Louve


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mes regards transpercent l'image,
la vision se transforme peu à peu en mots.
dans ma tête, plein de phrases qui se bousculent!

l'émotion silencieuse vient après...
je suis en admiration devant toutes ces grandeurs,
devant l'intelligence de ce qui m'entoure...

là un arbre, cicatrisé, qui prend le ciel de toutes ses feuilles!
là, une fougère inconnue arrive à se faire une place.
et cet oiseau qui fait la course avec le vent!
et ce ciel, qui me regarde, moi la petite...
toutes ces racines qui me tiennent debout!
et mon lac qui m'attend pour me voir.
et mon fils qui gravite autour de moi.
l'espace infini de sa main dans la mienne.

je tiens tout cela dans ma tête...

je n'écris jamais quand je suis là, dans mon univers, je n'ai pas le temps!
comment vivre tout cela en étant penchée sur des écorces blanches?

je vis.
et quand arrive la nuit, je place ces images une à coté de l'autre,
j'essaie de refaire le tableau,
celui que j'ai senti,
que j'ai trouvé,
là, dans mon univers...
comme je suis petite.
comme c'est merveilleux d'être si petite et de pouvoir regarder le monde!

des feuilles plein le lit.
mes draps tachés de sang bleu.
les chats en peluche, éparpillés.
une faible lumière jaune.
le rideau qui gonfle les bruits de la nuit.
j'étends ma forêt sur ma peau.
et j'écris.
parfois, mes cheveux s'emmêlent dans mes doigts,
ils se prennent pour des rêves...
parfois, je n'écris rien.
je reste là avec le crayon dans la main,
et je pars en voyage la tête sur les plumes de mon oreiller...
je fais deux mots, j'en dessine quatre.
je barbouille la nuit.
ou je tape sur le clavier.
d'un seul coup, je dessine une image en mots.
je ne retouche presque jamais.
c'est mon tableau, ma peinture à l'encre.
mes yeux sont très grands quand j'écris.
je les sens s'ouvrir pour mieux voir l'image.
parfois, mes yeux se perdent dans l'espace,
accrochent la lune dans mes cils...

et parfois, j'écris un poème,
avant de m'endormir,
avant le matin...

 

Copyright Louve Mathieu, 2000